D’une certaine façon la démarche de Jean-Louis Bigou est
le contraire de celle de Jaques Roux. Plutôt que d’essayer de
rivaliser avec le réel en faisant proliférer
spécialement la photographie, il réduit celle-ci à
sa nature propre, dans un exercice de tautologie poétique. La
photographie est image obtenue par le noircissement des graines
d’halogénure d’argent, elle n’est, concrètement, à
son origine, et symboliquement, dans sa finalité, que l’ombre du
réel. Les photographies de Jean-Louis Bigou sont donc des
photographies d’ombres et des reflets (la réflection de la
lumière est le contraire de son occultation : le reflet est donc
quand, comme ici, l’un et l’autre naissent de l’éclairage
latéral d’un miroir, en quelque sorte une ombre claire). Le
miroir, dans les photographies, reste invisible, car il s’y est
présent que par sa tranche, fort mince et l’on ne le remarque
pas quand on observe les grands volumes simples, sphères, cubes,
pyramides, qui se découvrent sur les photographies. Ils sont
obtenus par la conjonction de la zone de l’ombre et la zone de la
réflection lumineuse du miroir qui intercepte et renvoie la
lumière et leur nature dépend de la forme du miroir. Ce
sont des images d’objets irréels dans la mesure où ils
sont impalpables - et pourtant indubitables, puisque la photographie en
enregistre l’expérience, ou plutôt la suscite car cet
objet d’ombre n’apparaît que sous condition d’un angle de vue
particulier, celui privilégié de Jean-Louis Bigou. Dans
la réalité on ne ferait attention qu’au miroir. La
photographie peut donc être autre chose qu’un lieu où se
reconnaît ce que l’on sait exister préalablement : elle
peut aussi être un lieu de découverte, de saisie par le
regard, de choses que l’on ne saurait voir autrement que par elle.